Adeline Biffard


Plasticienne

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BLANC SUR BLEU

 

C’est un souffle qui parcourt le papier : il y dépose des graminées et des poussières, comme le vent rassemble, brasse et pousse des touffes de brins, de feuilles et d’herbes le long des chemins et des rues. Ou plutôt c’est le soleil qui imprime les formes légères d’une danse du végétal à la surface des grandes feuilles bleues. Car les gestes d’Adeline Biffard renouent avec la technique ancienne du cyanotype, qui permit de sortir en son temps la photographie des chambres noires au profit d’une exposition à l’air libre, et remplaça le négatif en noir et blanc par une écriture en blanc sur bleu cyan. Les filaments et les diverses familles de plantes, dans toute la précision de leurs dessins, y deviennent les caractères d’un alphabet immédiatement lisible, grâce à l’invention d’une graphie comme rendue à l’état de nature.

L’art du bouquet se traduit ici en herbier, qui en est la version conservée. C’est cultiver l’empreinte, et garder trace de rencontres et d’entremêlements à chaque fois uniques. Cet art de la lumière suspend le temps. Il rend sensibles le détail des feuilles, fougères ou tilleuls, de leur dentelure, la finesse quasi-abstraite des étamines et des pistils mêlés à de la terre, faisant apparaitre comme au microscope la forme juste et détachée de ce qui est. Où est-ce ? Que se met-on à voir, quand on regarde de plus près ? On ne sait plus très bien, que ce soit une forêt ou un fond marin, et les échelles tendent à confondre.

L’inscription dans la durée se prête aussi à l’aérien et à l’aléatoire : l’artiste se fait attentive à la façon dont les éléments se déposent et se conjuguent entre eux, s’élancent et s’entretissent d’un même mouvement. Elle enduit, compose, lave et rince. Après le rituel de la cueillette, la lumière la seconde, puis l’eau. Ces différentes étapes, autant de rituels, rythment une création qui relie entre eux les éléments et renvoient aux grands cycles de la nature. Les graminées poussées par le vent à travers des parfums viennent envahir le papier, pour faire entrer dans nos intérieurs une intensité de couleur et de présence qu’on pourrait appeler du printemps : premier temps, celui de la germination, nous rappelant que nous aussi étions graines. « Tout est en germe », dit Adeline Biffard. À la racine du mot homme il y a humus : moment d’un cycle qui attire notre regard vers la terre, dans cette profusion à la fois minuscule et puissante que l’art donne à voir, exposant sur les murs le recyclage et l’éclosion multiple de ces formes de vie fécondées par le regard.

Aurélie Foglia